La réforme de l'orthographe est-elle un nénuphar destiné à cacher la forêt des problèmes de l'école ?
Voilà maintenant 10 jours que le ministère de l'éducation nationale communique largement sur l'application d'une réforme orthographique vieille de près de 20 ans et déjà partiellement entrée en application.
Dans mon métier d'enseignant, j'interviens auprès d'enfants et d'adolescents en délicatesse avec le code orthographique, et je vous assure que le problème, ce n'est ni les accents circonflexes sur les « i », ni les traits d'union, ni même les quelques noms communs qui s'orthographient avec "ph" au lieu de "f".
Je crains que ce débat, poussé sur le devant de la scène, ne soit qu'un écran de fumée pour faire oublier le fond du problème.
En ce moment, nombre d'enseignants se mobilisent contre une réforme du collège qui risque d'interdire aux enfants issus de milieux culturellement défavorisés , même s'ils sont brillants, d'accéder aux filières d'excellence .
Car ne nous y trompons pas, aujourd'hui déjà, pour accéder aux meilleures filières, avoir un bac ne suffit que sur le papier, et je ne parle pas que des écoles supérieures privées. Les élèves de BTS sont sélectionnés sur dossier, les médecins, les orthophonistes, les infirmières, les ergothérapeutes, les assistantes sociales … doivent passer un concours d'entrée.
Le nouveau système « post bac » impose au futur bachelier de choisir au moins une filière « non sélective ».
Formidable ! Si aucune école « sélective » n'accepte sa candidature, l'élève va pouvoir s'inscrire à l'université. La question est : pour faire quoi?
Dire qu'il n'y a pas de sélection à l'université est une erreur.
Bien sûr, elle ne s'opère pas à l'entrée, mais ne vous y trompez pas, elle existe.
Ceux qui valident une licence pour passer un concours administratif, repartiront au bout de trois ans vers le monde de la sélection.
Ceux qui voudront aller au Master, étant bien plus nombreux que les places disponibles seront eux aussi soumis à sélection. Même au niveau du doctorat la compétition est rude.
Vous comprenez sans doute, que dans ces conditions, seul les élèves les mieux armés pourront tirer parti de notre système scolaire.
Certains diront : Stop à la sélection ! Seulement voilà, on ne vit pas au pays de Candy et la sélection est partout, pas seulement dans le système éducatif. Ils la retrouveront au moment de chercher un emploi.
Ce n'est pas juste ? C'est possible ! Mais en tout état de cause, c'est comme ça !
La seule chose que nous puissions faire, en tant qu'enseignant c'est que chacun ait les meilleures armes pour se lancer dans la bataille.
Chaque enseignant souhaite que tous ses élèves réussissent, comme le boulanger travaille pour que chacun des pains passés entre ses mains soit bon.
Les réformes successives ont vidé l'enseignement en France de ce qui faisait sa force :
un niveau exigeant dans l'expression écrite et orale, une base sérieuse en mathématique et une culture générale éclectique .
Est-ce bien le moment d'ergoter sur l'orthographe de nénuphar/nénufar ?
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